Charge mentale : quand les soucis prennent le contrôle

La question de la « charge mentale » occupe une place toujours plus importante dans les magazines – encore plus en période de rentrée. Pour les mères de famille – et parfois les pères – la difficulté est réelle : entre vie de famille, vie professionnelle, vie amicale et personnelle, difficile de tout gérer et de s’y retrouver. Comment donner leur juste place à nos soucis – légitimes – sans les idolâtrer ? Et d’abord, quels signes doivent nous rendre attentifs à ce moment où nous nous laissons esclavager par eux ?Des signaux qui doivent alerterC’est souvent dans le rapport aux autres, à soi, à Dieu, que transparaissent les effets délétères d’une charge mentale excessive. Éléonore, maman de trois jeunes enfants, raconte : « J’ai réalisé qu’il y avait un problème quand j’ai constaté que ma charge mentale nuisait à mon couple. Alors que mon mari est très présent dans le fonctionnement du foyer et le soin des enfants, je lui en voulais de ne pas davantage partager ma charge mentale. » Elle fait aussi l’expérience d’une hygiène de vie personnelle dégradée : « à force de penser à tout, tout le temps, je ne fais pas correctement ce que je suis en train de faire ; et du coup, je dors mal, ce qui me rend moins efficace durant la journée… C’est un cercle vicieux ! » Quant à Marie-Anne, à l’arrivée du petit dernier, c’est sa relation à Dieu qui a été faussée : « J’ai commencé par me dire : « Normal que je n’arrive pas à prier, je n’ai pas le temps, je ne suis pas religieuse mais mère de famille. Je sers Dieu autrement, auprès des autres. » Mais à force de crier sur mes enfants et mon mari parce que je suis débordée, j’ai fini par me demander si c’était vraiment une bonne manière de servir Dieu... »Une surcharge cognitive et affectiveToutes les époques ont connu les soucis - domestiques, familiaux, professionnels. Mais la nôtre rend cette réalité encore plus pesante : en témoignent le nombre exorbitant de burn-out, professionnels ou parentaux, recensés chaque année (…). « C’est lié à l’envie de bien faire, explique Éléonore : on se sent en charge, responsable du bien-être de tous ». Mais ce sentiment de responsabilité, normal et bon, peut vite devenir écrasant dans une société qui fait du bien-être sa valeur ultime, et où les parents sont bombardés d’informations massives et contradictoires sur la santé et les dangers à écarter, sur la meilleure éducation à donner, sur les moyens de booster la créativité… quelle pression ! « Paradoxalement, en voulant trop en faire pour ma famille, je m’éloigne d’elle : je n’ai pas le temps de jouer paisiblement avec les enfants ; et le soir, sur les nerfs, je ne suis pas disponible pour mon mari. Alors, je culpabilise… et je leur en veux ! » confie la jeune maman.Cerise sur le gâteau, avec les technologies censées faire « gagner du temps », nous subissons l’injonction d’être disponibles en permanence, toujours à la fois au four et au moulinEntre une pression extrême, et une saturation en informations et en activités, il est naturel qu’irritation, nervosité, tensions apparaissent – auxquels il faut être attentif, car ils peuvent être les premiers signes d’un processus menant au burn-out.Dans un monde sans reposPour échapper à ces tensions, la tentation est grande de s’adonner aux plaisirs vantés par la société de consommation. Pourtant, ces « plaisirs » ne sont pas synonymes de repos. Ils peuvent même encore alimenter l’hyperactivité et la saturation ! Notamment lorsque, en guise de détente, on se livre aux sollicitations incessantes des outils numériques. Lucie constate : « En période de rush, j’ai tendance à « fuir » la pression sur mon smartphone – réseaux sociaux, news, vidéos Youtube, tout y passe pour me changer les idées… Et pourtant, cela ne me détend pas vraiment, et je reviens ensuite à la réalité encore plus frustrée et énervée ! En scrollant, je continue à subir ce qu’il y a de plus épuisant dans la charge mentale : le zapping.»Comme le note le père Cantalamessa, « le mouvement caractéristique de notre civilisation actuelle n’est pas centripète, mais centrifuge ; non le retour à l’unité, mais la ruée vers la multiplicité » (Aimer autrement, éditions des Béatitudes, 2004). C’est, au contraire, dans un retour vers l’intériorité qu’il faut chercher le vrai repos. Marie-Anne témoigne de cette prise de conscience : « Un jour, en confession, j’ai dit à mon curé que j’étais débordée et que je n’en pouvais plus. Sa pénitence : prendre un moment d’oraison, juste après la confession. Ça m’a fait un bien fou ! Je me suis sentie rechargée. En m’éloignant de cette intériorité, je ne m’étais pas aperçue que je me vidais de moi-même. »Plutôt que de laisser les soucis extérieurs envahir notre tête et troubler notre cœur, c’est donc plutôt en retrouvant le sens et le goût de notre intériorité que nous pouvons lutter contre la charge mentale. En ce domaine, l’enseignement de l’Église peut nous être d’un grand secours.