Mathématiques : un naufrage français

Mauvaise note pour les élèves français. Dévoilés le 5 décembre, les résultats de l’étude PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) sont sans appel. En mathématiques, la France est à peine au niveau moyen, derrière la Norvège, la République tchèque et la Pologne. La septième puissance économique mondiale n’arrive qu’en 23e position sur 38 en maths comme en culture scientifique. Les pays asiatiques et nordiques – Japon, Corée du Sud, Estonie – ainsi que le Canada caracolent en tête.Enquête PISA 2023 • En mathématiques , la France avait obtenu 474 points en 2022, contre 495 en 2012. • 30 % des élèves français sont en difficulté (contre 22 % en 2012). • 7 % ont un bon niveau (contre 13 % en 2012). • 13 % de redoublement en 2022, contre 30 % en 2012. • 86 % des élèves dénoncent le « climat disciplinaire » en classe de mathématiques.Deux indicateurs alertent les spécialistes. Le niveau global a fortement chuté en vingt ans, particulièrement depuis 2018. Les experts perçoivent cette baisse, partagée par la plupart des pays européens, comme une conséquence des restrictions sanitaires, limitant la présence en classe et donc les apprentissages. L’autre inquiétude porte sur la perte de niveau des meilleurs élèves français. En dix ans, la proportion des jeunes les plus performants est passée de 20 % à 7 %…Des difficultés dès avant la 6e« Les résultats ne sont pas satisfaisants et sont même plutôt inquiétants », avait déjà déploré, le 14 novembre, le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, au lendemain des résultats des évaluations nationales. Plus d’un tiers des élèves n’ont pas un niveau suffisant en mathématiques. Certains chapitres pèchent plus que d’autres. Si plus d’un élève sur deux a une « maîtrise suffisante » des nombres et du calcul, plus de la moitié ne sait pas correctement résoudre des problèmes et organiser des données. Pis, plus des trois quarts ne réalisent pas correctement les exercices de géométrie et dans l’espace. Des difficultés qui existent déjà à l’entrée en sixième. Près de huit élèves sur dix ne savent pas correctement placer un demi sur une simple règle graduée, selon la note d’alerte réalisée en septembre par le Conseil scientifique de l’Éducation nationale. Seule la moitié trouve la bonne réponse à la question : « Combien y a-t-il de quarts d’heures dans trois quarts d’heure ? ». Comment expliquer que les héritiers de Blaise Pascal, Marie Curie et tous les mathématiciens français ayant reçu la médaille Fields, soient autant à la peine ?Raviver la flammeLes mathématiques ont longtemps été oubliées et dénigrées, comme en témoigne leur suppression des enseignements « communs » avec la réforme du baccalauréat en 2019. Ce n’est que cette année, quatre ans après une mesure très décriée, qu’elles ont fait leur retour en classe de première. « Nous avons pas mal diminué les exercices répétitifs, regrette Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur. Les mathématiques sont une discipline pour laquelle il est difficile de donner des devoirs à la maison à cause d’Internet. Enfin, nous avons réduit le nombre d’heures de leur enseignement au profit d’autres matières ou activités. » Les classes surchargées, malgré les premiers effets positifs du dédoublement des classes de CP-CE1, n’aident pas les élèves à rattraper leurs lacunes. « Les mathématiques sont aussi une matière où les difficultés peuvent facilement s’accumuler, poursuit Jean-Rémi Girard. Pour résoudre un problème, il faut non seulement savoir compter mais aussi faire preuve de logique et lire un énoncé en français… »Enfin, déficitaires chaque année aux concours d’enseignement, les mathématiques sont la matière qui peine le plus à recruter de nouveaux professeurs. D’abord par manque d’intérêt des étudiants ou jeunes diplômés de grande école ou de master de mathématiques, qui, aujourd’hui, sont davantage tentés de rejoindre une carrière d’ingénieur ou de consultant en informatique, mieux reconnue et rémunérée. Des pénuries de professeurs qui entraînent un important renouvellement des effectifs et donc de l’instabilité pour les élèves. Cette situation ne favorise pas la transmission des savoirs et l’entretien de la ferveur mathématique…Comment alors raviver la flamme ? « Il faut revenir au concret pour que les enfants comprennent à quoi cela sert », répond Alain Cadix, délégué aux compétences et à la formation de l’Académie des technologies. Après avoir piloté un récent avis de l’Académie intitulé « La place de l’enseignement des mathématiques », il recommande de « donner du temps au temps pour les élèves en difficulté », quitte à rallonger à quatre ans un cycle classique de trois ans.Des conseils qui rejoignent les « mesures fortes » proposées par Gabriel Attal au lendemain de la publication du classement PISA, afin de « remettre de l’exigence » à l’école. Le ministre de l’Éducation nationale a appelé à un « sursaut pour l’avenir de notre école » dans cette matière « absolument fondamentale ». Au collège, des groupes de niveaux seront organisés, la méthode de Singapour, favorisée (voir ci-dessous). Une nouvelle épreuve de mathématiques sera obligatoire en fin de 1re, dès juin 2026. Enfin, en filière professionnelle, les cours de mathématiques (et de français) auront également lieu en petits groupes de niveau. Des annonces qui ne satisfont pas tous les syndicats de professeurs, qui dénoncent l’inefficacité des groupes de niveaux, aggravant les inégalités scolaires. Selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, les Français, eux, soutiennent, très largement les mesures prises pour relever le niveau des élèves et former les élites de demain.